Au coeur des Sans Terres

Le soleil éclatant sur Guararema (Etat de Sao Paulo), perdu dans la campagne brésilienne. Un grand portail donne accès à ce terrain,  des grands arbres luxuriants et tropicaux entourent un chemin de roches et de terre.
 
 
Nous voilà dans “l'Escola Nacional Florestan Fernandes”, une école reservée au Mouvement des Sans Terres.
 
Les bâtiments imposants dominent le terrain où deux types de batiments se différencient entre les maisons traditionnelles latino-américaines et les habitats qui servent de logements pour les résidents. Ces logements qui sont au nombre de 5 peuvent accueillir jusqu'à 200 personnes.
Dans l'espace pédagogique, une bibliothèque où l'on peut trouver une salle d'étude avec un espace détente. Beaucoup de salles de cours avec des noms de célèbres militants, telles que la salle “Rosa Luxembourg” avec des portraits de militants comme Che Guevara, Emilliano Zapato ou encore le philosophe Karl Marx.
 
Egalement un énorme terrain de “futebol”, entouré d'herbes hautes. Dans les espaces verts, un jardin separé en deux parties, une partie réservée pour les plantations médicinales et l'autre, pour les fruits et légumes qui serviront pour les repas au refectoire, dont la plupart des aliments frais est cultivée par eux-mêmes.
 
 
Ecrit par Grazziani et Nassim
Photos : Melis
 
 
 
Portrait de Djacira Maria De Oliveira Araujo
 
Assise sur un banc, entourée de plantes tropicales et sous un soleil de plomb, Djacira Maria De Oliveira Araujo, directrice de coordination politique et pédagogique de l’école parle de son engagement dans le mouvement des sans terres (MST).  Le CPP (coordination politique et pédagogique) est d’après ses indications, composée de quatre personnes qui se  consacrent à des tâches différentes : trois directeurs, Erivan Hilario, Diego Ferrari, Paulo Almeida et enfin elle-même.  Cette CPP organise, en outre, la vie d’une « brigade » de militants qui vivent à l’école durant toute l’année. Ces derniers sont choisis par le MST et assurent l’entretien du lieu, « chacun a son rôle à assumer », explique la directrice avec conviction.  
Avant de devenir directrice de cette école, Djacira a réalisé différents projets pour le MST dans d’autres états du pays. Elle énumère  les principales actions du mouvement. Tout d’abord, le MST lutte pour l’occupation des terres, puis pour la réforme agraire, enfin pour la transformation sociale.
La directrice met au clair certains termes très importants à la bonne compréhension de l’association. En effet, un acampamento est le fait d’occuper des terres. Lorsque l’enquête de l’état  aboutit  « acampamento devient assentamento ». La régularisation est officialisée par l’INCRA (Institut National de la Colonisation de la Réforme Agraire).
Le conflit de la répartition inégale des terres remonte au temps de la colonisation, raconte-t-elle. En effet, dès l’arrivée des Portugais, les terres des natifs du Brésil leur ont été soustraites par les colons. De ce fait, le Brésil en subit encore maintenant les séquelles. Même si l’on suppose que la situation s’est améliorée, l’abolition tardive de l’esclavage ralentit ce processus de recherche d’égalité.
Après cette longue réflexion sur l’objectif de l’association, Djacira explique les fondements de l’organisation de l’école. Celle-ci est structurée en quatre secteurs : la production (plantes, poules..), les services qui concernent le nettoyage et la cuisine notamment, la pédagogie (enfants, culture, cours, communication, secrétariat de l’école) et l’administration.  Chaque unité de travail a un responsable.
Dans le secteur pédagogique, la directrice ajoute que l’accueil des étudiants révolutionnaires est pris en charge, c’est-à-dire qu’il est gratuit. Cependant, ils donnent du leur en participant aux activités de l’école. Selon les mots de la directrice, il y a un esprit de camaraderie. D’ailleurs ici tout le monde s’appelle  « campanheiro/a »
D’un point de vue financier, l’école a été construite grâce aux donations et aux bénéfices tirés des œuvres que de très grands artistes ont faites spécialement pour cette cause : le chanteur brésilien Chico Buarque, le photographe Sebastião Salgado avec son livre Terra, le Prix Nobel portugais de littérature José Saramago.  Cependant, les organismes internationaux donnent dorénavant beaucoup moins, notamment en Europe, à cause de la crise.
Comme ils cultivent un potager et un verger, ils produisent une partie de leur propre nourriture  mais ne peuvent pas vivre en autosuffisance (tout ce qui est périssable est acheté). Ils sont aidés par le mouvement lui-même, qui produit des aliments biologiques dans d’autres assentamentos, par exemple le riz ou le sucre. 
 
Enfin, le MST est considéré comme la référence sur tout le territoire latino-américain. D’autant plus que l’école, qui est l’unique école au Brésil du Movimento dos Sem Terras, se situe près de São Paulo, la plus grande ville d’Amérique latine.
  
Ecrit par Sitara et Sonia
Photos : Melis
 
 

 Portrait de Diego Ferrari
 
 
Sur une terrasse ensoleillée, Diego Ferrari s’installe. A 33 ans, cet argentin fait partie de l’école du MST depuis un mois et demi. Son père étant chef d’entreprise, il grandit dans le confort et le bien-être. Là-bas, il intègre une organisation « Front Dario Sentia » s’occupant des SDF, des orphelins  et femmes victimes de violence. Cette organisation est en partenariat avec le MST. C’est pourquoi à présent il est l’un de leurs membres actifs.
Il est l’un des coordinateurs de l’école, concernant les cours de formation politique d’Amérique latine. Ce qui lui plait le plus dans le MST, c’est de rendre les gens heureux, égaux et éviter les injustices .Pour lui, le changement  a été radical, il quitte un espace urbain afin de se retirer  en autarcie a la campagne. Il rajoute d’un air nostalgique «  en effet, ça été un sacrifice de vouloir vivre mes rêves ». Diego est un homme ambitieux et rempli de sagesse, il vit pour le bien être des personnes et de la nature. Auparavant, il était enfermé dans une fausse réalité, nous dit-il. Le vrai sens de la vie, il l’a appris ici. Pour lui, l’homme doit aimer la nature et la protéger. Il compte mener sa vie selon ces principes. Malgré le fait qu’il se sente bien au Brésil, il compte retourner prochainement en Argentine car il y a laissé tous ses proches. Il appréhende son retour au pays puisque beaucoup de ses amis sont de  droite. De plus, son père n’a jamais adhéré à ses idées et ne cautionne donc pas ce mode de vie. Pour lui, la jeunesse est synonyme de révolution. En clin d’œil à notre ville, il conclue en ajoutant qu’il aime la culture urbaine des périphéries de Paris et la liberté d’expression des jeunes.


Ecrit par Camelia, Inès, Karina et Cassandra
Photos : Melis



Portrait de Claudio

La fumée du barbecue embaume l’air de la forêt. Quelques habitants, après avoir durement travaillé dans la rénovation d’une maison, commencent leur pause déjeuner. La chaleur est étouffante. Claudio, 37 ans, est un habitant de cette école depuis un an. Enseignant en sciences et propriétaire d’une terre, il a voulu être solidaire en contribuant au Mouvement des Sans Terres (MST) : « c’est un processus de rotation ». En effet, les gens viennent y vivre pendant deux ou trois ans, puis d’autres viennent à leur place.

Claudio, s’occupe de la production : « j’aide dans la production des salades, des fruits… ». Selon lui, la vie à « l’intérieur » de l’école n’est pas plus difficile. En effet, ceux qui viennent habiter ici « ont déjà l’habitude de vivre en communauté ». Leur vie est organisée par un emploi du temps. La discipline est très rigide, mais Claudio s’y est habitué. Pour lui, le MST contribue à la population discriminée et défavorisée. Le MST existe depuis 30 ans. « Avant, le mouvement était incompris. Mais maintenant, j’y crois », affirme Claudio. Le MST a réussi à convaincre plus de population. De son point de vue: « en étant riche, c’est dur, on n’a pas conscience de devoir partager ou pas ». Mais si l’individu est extrêmement riche : « quand t’as conscience que t’as énormément d’argent, tu peux te permettre de partager, car tu sais que cela ne va pas t’appauvrir ». Il n’y a qu’une condition pour appartenir au MST : « Juste contribuer ».

Pour Claudio, le MST a subi des améliorations : « nous avons des terres raisonnables pour survivre ». « Dans les années 80, quand les paysans n’avaient pas de terres, ils partaient à la ville. Maintenant, ils viennent ici ». Claudio ne dément pas : le grand problème est judiciaire. « Quand le MST fait un pas en avant, d’autres le font reculer ».

Quant à la question « Etes-vous heureux ici ? », il hésite : « oui mais cela aurait pu être mieux ». Ce qui lui manque, c’est le choix des matières enseignées : « par exemple, pour étudier les sciences, il faut aller ailleurs ». Et ce n’est pas tout. Ceux qui choisissent d’appartenir au MST ne peuvent plus être eux-mêmes. Chacun est obligé de se soumettre aux autres, afin d’être sur un pied d’égalité. Claudio, auparavant autoritaire, ne peut pas l’être ici. Chaque personne doit remplir une fiche d’auto-évaluation sur ses vices. Dès son arrivée, puis régulièrement jusqu’à la fin, afin de suivre l’évolution de son comportement : « on ne peut pas être soi-même ici ».


Ecrit par Adèle, Bintou, Elizabeth et Lucille
Photos : Dania



Portrait de Marquinho


Un petit air de samba et ça y est, il est lancé. Á vingt ans à peine, Marquinho a quitté sa famille pour rejoindre l'ecole du MST. Cela n'entame pas pour autant sa bonne humeur. Ses parents étant eux-mêmes travailleurs agricoles, il fut dès son plus jeune âge confronté au problème du partage inégal des terres. C'est à 12 ans qu'il s'engage personnellement dans l'organisation. Lorsque ses parents lui parlent de cette école, il prend donc la décision d'y vivre afin de participer au combat mené pour la justice. Cela lui permet de poursuivre ses études tout en agissant pour la cause qu'il défend. Ce combat est en effet une affaire familiale car ses parents sont eux-mêmes engagés dans une assentamento, la “Nova Conquista”. Malgré une prise de contact régulière, ses proches lui manquent. Mais il sait que ce sacrifice n'est pas vain. Un an déjà qu'il a integré l'organisation, et il s'y sent comme chez lui. A sa maniere, il veille au bon déroulement des taches, en s'occupant volontairement tantôt du jardin, de tout ce qui touche à la production agricole, tantôt de la cuisine, via l'éxécution de taches diverses (vaisselle, nettoyage du refectoire...). Ici pas de salaire, ni de chef, chacun contribue à sa maniere au bien-être de la communauté, chacun régit soi-même son propre travail. La vie en communauté ne semble pas être un frein pour lui. Il s'est assez bien adapté à la vie en communauté ce qui est de bon augure pour l'année qui lui reste à passer ici.
Le jeune du Maranhão dit être heureux ici, considérant avoir trouver “une famille” à Guararema, au sein de ses semblables, les insoumis anti fazendeiros.


Ecrit par Djeneba, Grace, Anthony et Clara
Photos : Charity




 

2 commentaires:

  1. Très intéressante entrée dans le coeur des sans-terre.

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  2. Bravo aux journalistes pour la qualité de leurs articles et aux photographes pour leur point de vue et encore chapeau à la dream team des profs! Du grand boulot guys! Enjoy your last days!

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